top of page

Entretien avec Mathieu Rosaz

Marie-Claude Dupont

21 avr. 2025

En 2004, le chanteur et musicien Mathieu Rosaz fait la connaissance d'EVA. Une rencontre qui donnera lieu à une belle amitié. Aujourd'hui, Mathieu collabore, à l'initiative d'Anne Bertoin, à faire revivre le catalogue d'EVA.

Mathieu Rosaz, vous êtes chanteur, musicien, très actif dans le monde de la musique et de la chanson en France. Vous animez également les pages Facebook et Instagram dédiées à la vie et l’oeuvre d’EVA. Dans quelles circonstances avez-vous connu cette grande artiste ? Et que saviez-vous d’elle ? 


J’ai rencontré EVA à Montréal fin 2004. J’y chantais Barbara et on m’a dit qu’elle serait dans la salle ce soir-là. Nous avons fait connaissance après le spectacle puis nous nous sommes revus l’année suivante à Paris où j’ai aussi rencontré Anne Bertoin qui est son ayant droit. 


Nous ne nous sommes plus revus ensuite, car elle vivait à Montréal, et moi à Paris, mais nous discutions régulièrement au téléphone ou par mail. Avant de la rencontrer, je savais qui elle était, on m’en avait parlé. Tout ce qui touchait Barbara de près ou de loin retenait forcément mon attention et le nom d’EVA avait surgi à plusieurs reprises. Je m’étais procuré le double CD « De Berlin à Paris » dès sa sortie en 1999 donc je connaissais quelques-unes de ses chansons. 


Comment qualifieriez-vous cette première rencontre ? 


Chaleureuse. EVA était quelqu’un d’extrêmement sympathique et chaleureux avec un magnifique regard. Elle ne passait pas inaperçue, c’était une séductrice née. 


À ce moment, où en était-elle dans sa carrière ? 


Elle préparait le spectacle et l’album consacrés à Marlene Dietrich et souhaitait revenir chanter à Paris. 


En 2023, Anne Bertoin, une grande amie d’EVA, lui a dédié un site Web hommage. Puis est venu un projet de réédition d’une partie du catalogue d’EVA par Universal. Comment en êtes-vous venu à collaborer avec Anne sur ce projet ? 


Anne m’a appris le décès d’EVA en mars 2020. On ne s’était ni vus ni entendus depuis longtemps. Anne et moi avons dîné ensemble. Nous trouvions anormal qu’on ne puisse écouter EVA officiellement sur les plateformes. Car sa voix a compté et compte toujours dans la chanson francophone. Elle a eu de grands auteurs et composé de magnifiques chansons. Nous avons décidé de nous lancer dans cette aventure et je lui ai proposé de m'en occuper avec elle.


En consultant la page Facebook, où l’on découvre toutes sortes de pépites et d’enregistrements inédits d’EVA, vous avez eu la chance de fouiller un certain nombre d’archives. Qu’est-ce qui vous frappe de son parcours ? 


L’éclectisme, l’évolution en suivant parfois un peu les modes mais pas trop. Jamais elle n’a perdu son identité, grâce à son exigence et à sa voix si singulière. La richesse des orchestrations aussi. Elle a eu les meilleurs arrangeurs. Elle est un peu comme un pont entre la chanson dite « rive gauche » et la variété. Elle était dans un entre deux comme Marie Laforêt que j’adore a pu l’être aussi parfois. Il y a une recherche, du goût, des concessions aussi mais aucun égarement. Une cohérence dans sa diversité. 


La chanson française a eu un âge d’or pendant de nombreuses années. Aujourd’hui, certaines de nos grandes voix ont disparu, et il est difficile de retrouver les disques ou des ouvrages qui célèbrent leur talent. L’arrivée de cette intégrale numérique remastérisée de 89 titres sous le label Panthéon (Universal) répond-elle enfin aux attentes des fans qui ne l’ont pas oubliée ? 


Il faut le leur demander ! J’espère bien et j’ai l’impression ! Ce n’est qu’une première partie des rééditions qui vient de voir le jour. D’autres choses vont sortir et notamment un magnifique enregistrement public inédit piano-voix à Québec en 1999, qu'Anne Bertoin vient de faire restaurer avec mon aide et qui me réjouit, car il révèle la grande interprète qu’était EVA sur scène d’autant qu’il n’existe aucun enregistrement public d’EVA à ce jour.


Il y a aussi une demande pour une édition physique. On espère y parvenir, mais cela est beaucoup plus compliqué par les temps qui courent où le CD, il faut bien l’admettre, est en voie de disparition. 


Sur le plan lyrique, EVA a une voix caractéristique grave, chaude et envoûtante. Est-ce que cet élément a contribué à son succès selon vous ?


Complètement mais ce qui l’a pénalisée en France est de toute évidence pour moi le fait qu’elle soit allemande. N’oublions pas qu’elle a débuté dans les cabarets 15 ans seulement après la fin de la guerre…


Le parcours d’EVA a été marqué par de grandes rencontres, certaines qui ont donné une impulsion à sa carrière. Qui sont ces gens qui ont tant compté professionnellement pour elle ? 


Difficile de répondre à sa place mais pour m’être bien plongé dans tout son parcours ces derniers temps, je citerais Claude Dejacques qui lui a permis d’entrer chez Philips, sa maison de disques pendant 15 ans (Universal désormais), Barbara bien sûr, Georges Brassens dont elle a plusieurs fois fait la première partie, Nadine Laïk qui fut son agent, Denise Glaser qui l’a toujours soutenue et lui a consacré tout un Discorama en mai 1972, émission très importante, Laurence Matalon et Danielle Vezolles qui lui ont écrit les paroles de ses plus beaux succès… et certainement beaucoup d’autres personnes, en ce qui concerne ses années parisiennes.


Propos recueillis par Marie-Claude Dupont, avril 2025


bottom of page